Aveux
bizarre, s’il en est un : Aussi loin que je ne me souvienne, j’ai détesté
jouer… Souvenirs de moi vers 4 ans, mes parents me houspillaient de les laisser
tranquille, pire punition que de m’obliger à « aller jouer ». Même
quand il y avait d’autres enfants, moi je ne jouais pas.
Ils ont
rempli une salle complète du 2e de notre maison de jouets, je leur
faisais toucher le sol pour les satisfaire un peu et je laissais mon bordel là.
J’aimais
avant tout rester avec les adultes et les écouter raconter leur vie. J’aimais
les regarder vivre. Cachée sous la nappe de table de la salle à manger, dans l’entrebâillement
de la porte de la pièce où ils croyaient que je dormais, sous la galerie où ils
prenaient l’apéritif…
Je ne suis
pas assez vieille pour ne pas avoir connue la télévision. Mais chez nous, nous
avions un petit poste noir et blanc dont l’écran était plus petit que l’écran
sur lequel j’écris ces mots.
Mais la TV
s’ouvrait rarement. Et il y avait 3 postes en français. Les dessins animés, il
y en avait à peine une heure par jour. Et chez nous, on l’ouvrait pour
Passe-Partout à 18h00 et c’est tout. Parfois le samedi matin, mais seulement si
mes parents voulaient que je les laisse dormir.
Alors qu’est-ce
que je faisais de tout mon temps d’enfant si je ne regardais pas la télévision
ou ne jouais pas ? J’imaginais. J’avais la boîte à poux la plus fertile du secteur
! Je narrais des histoires incroyables où j’étais toujours quelqu’un d’important
et où on m’accordait beaucoup d’intérêt (Glup ! Vite ! Une thérapie !) Je
faisais toutes les voix de tous les personnages, parfois à voix haute, parfois
juste dans ma tête.
Mais pour
la petite fille que j’étais, je n’inventais pas des choses impossibles. La
frontière entre le réel et l’imaginaire était flou. L’un s’imbriquait un peu
dans l’autre. Plus je mettais de temps à développer mon univers, moins je
faisais la différence entre ce qui était réel ou non. Ma mère m’a un jour
raconté que, au moment de revenir du verger derrière la maison, j’étais entrée
en lui disant : « Ah ! Ben ! Tu n’es plus morte ! »
Je me
sauvais dans le verger, montait sur une branche et je me laissais aller. Si ma
mère me mettait une jolie robe et un chapeau, je me baladais devant les grands
érables devant la maison et je devenais une reine que tous mes sujets devaient saluer
! (Lire ici tous les voisins qui passaient en voiture devant la maison !)
Ayant eu un
petit frère qui était un bébé très difficile, ma mère, pour me garder à l’œil,
me faisait dessiner. Je me racontais des histoires. Si par miracle, j’avais un
intérêt soudain pour les lego, ce n’était pas pour jouer. C’était le monde que
je construisais pour mon monde imaginaire. Et c’était toujours une maison avec
des fleurs aux fenêtres parce que chez moi, il n’y en avait pas.
* * *
J’ai aimé
la télévision d’un amour passionnel ! Dès que j’ai eu quitté la maison et donc,
j’échappais aux sempiternel chialage de ma mère à propos de la télévision, elle
fût allumée en permanence, dès que je mettais le pied dans la maison. Du levée
au couchée… Je suis partie avec le petit poste noir et blanc poussiéreux qui
servait d’écran à notre Nintendo.
Puis les
enfants sont arrivés et ils ont pris de plus en plus de place autour de
celle-ci. Des images que je ne voulais pas qu’ils voient, des heures réservées
aux émissions pour enfants se sont élargies. Je me suis tournée alors vers l’Internet
qui n’existait pas au temps de mes parents.
Avec mon
métier, j’ai rapidement développé une irritation aux sources de bruits divers.
La télévision en étant une de choix, je l’ai rapidement eu dans le collimateur.
On l’a
fermé à l’heure des repas. On l’a sorti de la salle de jeux des enfants. Puis
les tablettes sont arrivées. Quand on fermait la télévision, les filles se jetaient
sur tout autre écran. Tout comme ma mère, je n’aimais pas ça… Je me disais « Avec
leur horaire de premier ministre, quand ont-elles le temps d’imaginer ? »
Ça me perturbait vraiment beaucoup.
Mais ce qui
m’horripilait le plus, c’était de les voir se sauver d’une conversation
sérieuse pour aller regarder la TV. C’était ce silence quand je leur demandais
comment avait été leur journée parce que toute leur attention était fixée sur
la tablette. De les voir finir leur verre de lait à la hâte sur le coin de la
table parce qu’elle avait peur que sa sœur lui vole l’ordinateur.
On a essayé
de se convaincre de ne pas être drastique. Ça nous rendait bien service quand
les grandes rentraient de l’école, le matin pour minuter le déjeuner (tu dois
avoir fini ton verre de lait à la fin de Dora !)
Puis un
jour, ça m’est apparu comme une évidence…
Plus d’écran
du lundi au vendredi… Et les week-end, on verra à la pièce.
Les 3 premières
semaines ont été une véritable torture POUR TOUT LE MONDE ! Pour moi compris.
Tout à
coup, au lieu d’aller sagement regarder Cornemuse pendant que je préparais le
repas, j’avais trois mouches qui compétitionnaient pour mon attention ! J’étais
étourdie et perdais patience un jour sur deux.
Elles
pleurnichaient leur ennuie pour un oui ou pour un non. « Oui, mais j’ai
RIEN à faire ! » À cette affirmation, j’ai dû résister à l’envie de les
divertir ou de leur faire des suggestions « Cherche ! Tu vas trouver ! »
Gaëlle a
fini par trouver un certain plaisir à faire ses devoirs, à dessiner et à lire.
Arielle s’organisait des entreprises ou des concours de talents, réussissant
parfois à y inscrire ses sœurs. Mais
Romy… Romy qui est née à l’air de la tablette a plus ou moins bien réussi à se
trouver des jeux ou des intérêts autre que l’écran.
Et un jour,
après que je l’ai chassé manu militari de la cuisine après son énième « Oui,
mais je m’ennuiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiie! », je l’ai vu aller se
coucher sur une serviette qui trainait dans la cour. Je l’ai entendu parlé.
Alors que j’allais lui demander si elle me parlait, j’ai entendu une 2e
voix… Puis une 3ème… Je suis restée en retrait à l’écouter… Elle
était dans sa tête à s’inventer un monde où il y avait un professeur qui chicanait
des enfants (off cours)…
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