Avant…
Avant j’étais, j’étais triste qu’elle soit partie, décédée…
Bref, qu’elle soit morte. J’étais triste et surtout en colère. J’ai eu de ces
troublants épisodes où on fait un truc machinalement, une pensée banale nous
traverse l’esprit et on se dit : «Tiens! Y’a longtemps que je n’ai parlé à
maman!» On se dirige vers le téléphone et… On se réveille d’un espèce de vide
avec le combiné dans une main et une claque nous saisit le visage de l’autre…
Chaque fois que je vivais ce truc (comment on appellerait
ça?), j’entrais dans une colère profonde… Un «C’est tellement pas juste…»
accroché à mon cœur… «Spa» juste que Romy ne te connaisse pas! «Spa» juste
c’est tout… «Spa juste.»
Depuis quelques jours, j’ai la sensation que les choses ont
changé…. Depuis quelques temps, Romy nous sort de drôle de phrases, de drôle de
trucs en lien avec ma mère. En voiture, toute seule avec moi, elle tient des
conversations imaginaires avec un vieux téléphone cellulaire. Ses conversations
sont parfois claires, parfois elle jargonne comme si elle parlait une langue étrangère.
Mais dans l’intonation, on sent qu’elle va mettre fin à la conversation.
- - Maman?
- - Oui!
- - C’était grand-maman Marie au téléphone!
- - Ah!
- - Elle fait dire qu’elle ne sera pas là demain.
Elle fait dire aussi qu’elle t’aime…
Ma gorge s’est nouée… J’aurais voulu ne pas être seule pour
vivre cette anecdote… Je n’ai pas eu
envie d’entrer dans cette colère… J’ai cru que c’était mieux… Mais non… La
douleur est encore plus difficile à gérer… Ça me prend plus aux tripes, ça
prend au cœur.
Avant…
Avant, mes colères étaient démentielles, mais elles avaient
une fin… Tristesse… S’ennuyer de quelqu’un et aucun moyen d’apaiser cette
tristesse…
Avant, si je n’avais pas envie qu’on me flatte le dos ou
qu’on me console ou d’expliquer, j’entrais dans la douche. Le savon pouvait
expliquer les yeux rougis et quand je sortais, j’allais mieux.
Cette semaine, je suis entrée dans la douche avec une
immense brûlure dans la gorge… J’ai vidé le réservoir à eau chaude… Et elle me
manquait encore. C’est long… Un long rhume… On en meurt pas… Mais ça pourrit la
vie… Et ça coût cher d’eau chaude..
Avant je n’avais qu’à me changer les idées, être dans le
moment présent et toute cette tempête se calmait.
Aujourd’hui, ma tristesse m’accompagne tout le temps comme
un foutu mal de dent. Je savais que ça serait long. Je n’imaginais pas que ça
serait réglé en trois mois. Mais je pensais que j’étais en bas de la côte et
que je ne ferais que la remonter. Je ne m’imaginais pas que ça ferait encore
plus mal. Ça fait encore plus mal que le matin où je me suis levée et que j’ai
réalisé que la veille, elle s’était éteinte.
Il n’y a rien d’autre à dire.
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