Je ne trouve pas de mots assez fort pour faire un titre.

8h20, on débarque au milieu de nul part. Chéri m'a convaincu de participer à un tour de vélo. Je dis 20 km, il rêve de 40km. Moi je peux faire 40, mais les mioches? Déjà que je les lève aux aurores pour nous suivre, un dimanche matin de vacances. Elles vont suivre! Mais en chialant!
Surtout qu'on en a jamais fait de 40. Quelques 20, même pas difficile. Mais 40? J'avais 15 ans la première fois que j'ai fait plus que 20km.
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- Allez! Pédale!!!
- Oui mais j'ai mal partout!!!
Hurleyroad! Petit rang où les voisins ralentissent en passant devant chez nous pour scèner. Après souper, on va marcher ou on va pédaler! Mon frère a un petit "bécik" pas de vitesses, mais y'a du nerf comme douze dans ses deux petites pattes! Moi, j'ai un six vitesses que j'ai eu pour Noël. Pis je traîne en arrière! Y'a une grosse côte devant moi, pis je ne vois déjà plus mon père. J'aime pas ça! C'est platte! Y'a des champs! Des champs! Pis encore des champs! Des fois, y'a des vaches. Elles pissent et ça me diverti.
Je croise mon père! Fiouf! On rentre! Mais lui vire de bord et se met derrière moi.
- Allez! Pédale! On s'en va aux Cascades!
- Aux Cascades? Mais lààààà!
C'était le dépanneur de notre coin! Ils faisaient aussi du pain de ménage. Je serais vraiment curieuse de savoir combien de kilomètres on faisait allé-retour. Mais dans mon corps de 10 ans, c'était "crissement" loin!
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- Dû à un glissement de terrain, le 40km se transforme en 50km.
- Tu me niaises????
- Quoi! 40! 50! C'est pareil!



- Mais les petites?
Je le disais pas aux filles, mais j'étais terrorisée! 50 km. Faut savoir que je ne commence rien que je ne suis pas certaine de finir. Je suis faite comme ça! Pis là, je doute vraiment! Il fait déjà 29 C, on a de l'eau en masse... Quelques collations. Mais 50km...
On attend en ligne pour partir, des gens qui attendent pour le 20km nous observent.
- Wow! Elle va faire le 40km?
Ils pointaient ma 2ème. 7 ans. Pour faire 50km... Je sais! On est fou! On est les pires parents au MONDE!!!
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- Allez paresseuse! Pédale!!!
J'ai vraiment le pire père au monde
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Déjà que je trouve qu'on pédale pas vite, on vient de se faire dépasser par ceux qui sont partis pour le 20km. On n'a pas 10km de fait, je suis déjà découragée! Je suis Arielle et je ne peux même pas appeler ça "pédaler". Un coup en avant, une douzaine par derrière juste pour me ralentir et pas perdre l'équilibre. J'ai des fourmis dans les jambe. J'ai juste le goût de me donner à fond.
- J'ai mal aux jambes maman!
- Arrête d'y penser! C'est moins pire.
- Même si je pense à de la crème-glacée, j'ai mal quand même!
Tout pour ne pas dire: "Allez! Pédale paresseuse!"
Au pont, chéri m'attends! Chouette! Il a vu que ça n'a pas de bon sens et veut virer de bord!!!
- Allez! Pars devant avec Gaëlle! Je me mets derrière!
Je suis partie comme une fusée! Ça pédale tout seul!
- Maman! Ma chaîne a débarqué!
- Argn!
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- Demain, tu vas aller acheter du pain aux Cascades avant qu'on se lève!
C'est loin, mais c'est une job de jambe!
- Tu vas te lever à 6h00, pis tu devrais être revenue pour le déjeuner!
Pis je l'ai fait! Souvent!
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On est visiblement les derniers! Le camion jaune nous suit.
Au bout du rang Carmelle, Arielle nous annonce qu'elle n'est plus capable. 20km tout juste. Mais ses petites jambes sont barrées. Je sais comme pas quoi faire! Même si on retourne, on doit se reclaquer 20km. On continue, elle pleure sa vie.
Et y’a des trucs que je ne peux pas supporter : Que mes enfants aient soif, faim et mal. Le reste, je peux gérer. Et elle ne fait pas semblant d’avoir mal. Je le sais. Chéri me pointe le pick-up jaune. Il va continuer à nous suivre. Mais avec Arielle dedans.
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Camp Minogamie, j’ai 13-14 ans, je ne sais plus! Je suis assise sur une roche, les deux genoux en sang et je peste intérieurement contre mon père qui m’a envoyé passer 2 semaines ici. Ah! C’est cool la plupart du temps. Mais les maudites expéditions!
La monitrice me regarde les deux genoux et m’annonce que c’est pas beau. Je sais! Y’a pu de peau!!!!! Elle va me rincer tout ça et je vais me reposer. Pas question que je portage un canot. Je vais rester là le temps de monter les canots et je monterai mon sac à la fin.
Je regarde les filles se casser le dos et j’aime pas ça. Je suis assise sur ma roche et j’aimerais tellement mieux les accompagner. L’impression d’être une lâcheuse…
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Mine de rien, on a augmenté notre vitesse de 10km/h. Gaëlle pédale juste derrière moi! Mais je me sens moins coupable! Pis je commence à avoir un peu de fun. Je me sens mal pour Arielle, mais elle est mieux dans le camion. Après une petite pause, on repart. Mais on sent bien que Gaëlle commence à traîner de la patte. Après une côte, je m’arrête en haut et je la regarde monter de peine et de misère. Finir par descendre de son vélo et monter à côté. J’ai le cœur gros.
-        Veux-tu monter dans le camion toi aussi?
-        Non! Non! Je continue.
À chaque fois, elle m’épate! Bazwelle!!! 50km à 10 ans! C’est pas rien. Moi aussi je commence à chercher des signes de notre retour imminent. J’ai les bras en compote. Mais si elle, elle le fait, j’ai pas le droit de me plaindre.
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J’ai 10 ans (ou je sais pu trop). Mont-Albert en Gaspésie. On était parti en sandales, pas de bouteille d’eau, juste pour voir. On est monté jusqu’en haut! Y’avait de la neige en juillet au sommet. Je suis certaine que mon père a encore la photo de moi avec ma petite robe bleue et une boule de neige dans les mains. Pis les tonnes de mouches noires qui essayaient de me rentrer par tous les orifices.
Si je pensais que la montée avait été rude, j’ai failli me tuer 5 fois en redescendant. Mes sandales glissaient sur les pierres humides. Et j’étais fatiguée, j’avais soif. Mais je pouvais juste pas m’arrêter là. On retourne en bas. Mais je pleure…
Au retour, dans la voiture, j’en veux à mon père. Et sa blonde qui dit : «Mouain! Pas de bouteille d’eau, en sandales et pas de lunch… C’était pas l’idée du siècle!»
-        Est-ce qu’on est mort? On l’a fait? Bon!
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J’ai beau essayé de ralentir mon coup de pédale, je n’arrive pas à laisser Gaëlle me rejoindre sans m’arrêter régulièrement. Elle est à bout! Elle ne doit pas faire plus que du 8-9 km/h.
-        Veux-tu embarquer dans le camion?
-        Je suis venue pour faire du vélo? Ben je vais finir! Il n’en reste plus tant que ça.
-- Mais je vais être fière de toi même si tu arrêtes tsé! 
-- Non! Je continue! 

Dans le «Il n’en reste plus tant que ça.» c’est comme une question déguisée. Moi-même, quand la bénévole m’annonce qu’il reste moins de 5km, je capote! Arielle vient de descendre du camion et va terminer le tour avec nous. Elle pédale comme une petite démone! À 500 mètres de la fin, je m’arrête. On va attendre Gaëlle. On est parti ensemble, on va arriver ensemble! Pis on est arrivé ensemble. Les 5, on est passé en-dessous de la banderole.
Et j’ai pleuré ma vie… Elles l’ont faites! Arielle a tout donné, Romy est restée assise «sagement» sur sa girafe pendant près de 4h00. C’est pas rien pour un petit bout de 4 ans. Ben pis Gaëlle… Jamais été aussi fière d’elle de toute ma vie.
J’ai remercié mon père intérieurement de m’avoir dit de pédaler… Ouais… parce que aujourd’hui, je fais des trucs que personne ne me pense capable… Pis là, c’est mes filles qui font des choses dont je les croyais incapable.

Ben, pis merci à mon chum de ne pas avoir plié à mes peurs et de ne pas m’avoir dit «Je te l’avais dit qu’elles seraient capables!» 

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