Papilles et sentiments

Entendu aujourd'hui à la radio: "Cuisiner est un acte de partage, donner un peu de soi pour l'autre..."
J'aime cuisiner! À m'en confesser! Avec une grande famille, c'est un sport de compétition. Mais c'est la seule vrai "tâche" que je fais sans soupirer, ou presque. Quand je mets un plat fumant sur la table, je me sens bien. Je me sens près de l'autre. Je me sens une bonne mère, je me sens une bonne amoureuse, une bonne fille, une bonne amie.
Si je te rencontre et que le courant passe, je veux cuisiner pour toi. Je veux voir dans tes yeux du plaisir. Je veux qu'au moment où tu mettras ta fourchette dans ta bouche, tu ressentes du plaisir.
J'ai appris avec les yeux. Les nombreuses heures passées à observer les adultes de ma vie cuisiner. Comment couper un oignon, comment débuter n'importe quel plat, combien d'huile il faut mettre dans le fond du chaudron, l'ail et la tomate, le beurre et l'oignon. Que c'est bon quand ça craque et que c'est doux à la foi. Déglacer avec un alcool ou du café pour faire une sauce. Les viandes, la bière... Misère! Je bave!
Je n'étais pas si vieille quand j'ai réclamé l'accès aux cuisines. Mon nez dépassait à peine du comptoir! Mais je voulais manier le couteau et langue de chat! Je poussais ma chaise d'armoires en comptoirs et je valsais d’un plan de travail à l’autre.
Il paraît que j'étais pas si pire... Que j'avais l'instinct. Mais pas la finesse et la minutie (toujours pas encore aujourd'hui). Mais que je voulais seulement rendre les autres heureux du palais.
Et un jour, j'ai perdu confiance en moi. J'ai eu peur que tu n'aimes pas ce que j'ai cuisiné pour toi. Je me suis effacée derrière celui qui savait peut-être mieux que moi. Alors j'ai douté. Ce fût triste parce que je ne savais plus te partager l'amour qui se dit mal. Parce que les mots, que j'arrive à manier quand même pas pire, c'est tout petit à côté de ce que je ressens.
Mes filles m'ont réapprises à aimer en cuisinant. J'ai du reprendre de la base. Pour elles, il n'y a pas de petits goûts!
Développer le goût, ça se cultive... Mais cuisiner pour ceux qu'on aime, y'a quelque chose d'instinctif. Si j'ai cuisiné pour toi, c'est que tu comptes à mes yeux. Et ça part de mon ventre, de mes tripes! En pensant à toi, j'ai imaginé, élaboré quelque chose qui te ressemble, qui me fait penser à toi.
Si je parle de cuisine avec toi, c'est que tu as toute mon attention. Et j'aime comme je cuisine. Avec instinct, mal planifiée, très brouillonne! Je suis comme ça moi. Un peu de ci et pas mal de ça. C'est inégal et ça ne goûtera certainement pas la même chose que la dernière fois. Y'a peu de recette, une base jeté comme ça avec, pour le reste, ce qui me tombe sous la main.

Mais je reste toujours avec, au fond de moi, une peur profonde que tu n'aimes pas ce que j'ai préparé pour toi. 

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