Une maille à l'endroit, une maille à l'envers.

Je me suis remise au tricot... Je tricote depuis que j’ai 6 ans. C’est d’abord ma grand-mère qui me l’avait montrée. Et je louangerai sa patience éternellement! J’ai essayé de l’apprendre aux filles et DIEU DU CIEL que c’est difficile. J’apprends à des enfants comment faire des divisions avec des nombres à virgule, mais je pogne les nerfs quand une de mes filles échappe une maille!
Puis, ma mère qui n’avait pas la réputation d’être patiente a poursuivi l’enseignement. Elle trichait un peu. Je tricotais un rang et l’abandonnais discrètement. Lors que je m’y remettais, il y avait quelques rangs de plus. J’ai porté de nombreux foulards plus larges que longs avec des rangs irréguliers qui pouvaient passer pour des motifs dans le tissage. Ça, c’est lorsque je les terminais.
Plus tard, en voyant la maman de mon amoureux de l’époque, les fourmis me sont revenues dans les mains. Je me suis racheté des aiguilles, une pelote de laine et de mes doigts maladroits, j’ai enfilé quelques mailles… Mais voilà j’avais appris à faire glisser délicatement les mailles d’une aiguille à l’autre. Mais je n’avais jamais appris à débuter un ouvrage. Avec beaucoup de patience, elle m’a apprise à faire naître les mailles une à une. Un petit rang dans lequel vivait l’espoir d’une pièce. Comme le vélo, les réflexes sont revenus. J’ai risqué un rang à l’endroit, un rang à l’envers, un tissage beaucoup plus fin, mais moins souple. Puis une maille à l’endroit, une maille à l’envers.
Puis, les bébés sont arrivés. Ils ont pris tous mes doigts. Un sur le bout du nez, l’autre sur une joue trempée de larmes, un autre au creux de la main servant de hochet rassurant.
J’ai quitté les aiguilles et j’ai tricoté la vie. Et contrairement à ce qu’on croit, ça se termine un jour. La vie est tricotée! Il ne reste qu’à enfiler les rangs, les uns derrières les autres. Et mes mains se sont retrouvées libres. Mais plus mes mains étaient libres, plus ma tête s’emplissait. D’idées, de peurs et de problèmes. Je ne savais plus quoi faire pour libérer mon esprit de sa pelote de laine mêlée.
Alors j’ai reçu une paire de chaussettes. Une tricotée à la main. Et j’ai eu envie d’en faire une moi aussi. J’ai repris mes aiguilles, j’ai pris un petit cours, j’ai regardé des tutoriels et je me suis attelée.
Et un jour, ma première paire de chaussettes est née sous mes doigts pleins de faux plis. Maladroitement faite, petit trou ici, maille lâche là. Mais j’observais, gonflée d’orgueil, deux petits pieds glisser sur les planchers cirés. Puis une autre dans ses grands pieds froids près du foyer. J’ai remis celle qu’on m’avait offerte et en l’enfilant, j’ai compris le cadeau qu’on m’avait offert. Des heures à se tordre le bout des doigts pour cet objet fragile.

Depuis un mois, mes doigts fabriquent des petits bas. Ils sont pour les enseignantes des filles… Parce qu’un enfant, ça se tricote une maille à la fois…  

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