J'ai commencé à courir sur les bords de la rivières. J'avais deux choix de trajet: À gauche ou à droite! Vitesse des voitures? 90km/h quand le monde prend son temps! Pas d'éclairage le soir! Moto qui passe sans respecter la distance de sécurité! Je ne compte le nombre de fois où j'ai dû me jeter dans le fossé dans la courbe avant la montée Deslauriers pour éviter le glissement de la remorque du camion que je croisais. Et je vous éviterai les mouffettes écrasées, l'odeur de l'épandage de purin. Mais tout ça avait un certain charme. Ça ajoutait à l'expérience. Mais surtout, je courais à l'abri des regards et des jugements. Pas celui des quelques voitures, non! Celui des autres coureurs. Certaines de mes copines du village ont bien essayé de m'attirer dans leurs rues "trottoirées" et éclairées, où le risque de croiser une mouffette aux yeux disloqués sur le sol.
Mais j'ai toujours refusé. Courir, ça se fait en solo! C'est beaucoup plus qu'une séance de torture. C'est aussi une méditation.
Mais après des mois d'arrêt, j'avais hâte de me remettre au boulot dans mon nouveau quartier. Courir à l'heure qui me plaie sans avoir peur de rentrer à la noirceur, pouvoir me laisser guider par mon nez pour définir mon trajet et changer le lendemain si le cœur m'en dit... Tout ça me semblait un enrichissement à ma méditation fort séduisante.
Sauf qu'un soir, alors que je rentrais d'une course à vélo à l'épicerie, j'ai eu un petit choc... Ici, tout le monde COURT!!! Et contrairement à ce qu'on peut penser, pas de beaux petits kits qui matchent avec des montres sophistiquées! Nop! Ça court avec même pas de baladeur parfois! Ça court avec le chien, ça jase à deux sur la piste cyclable et ça n'a même pas l'air essouflé ou même mouillé! On dirait que la ville court! Le matin aux aurores, le midi sous le soleil tapant, avant l'appéro, le soir après que les enfants soient couchés... Pas de risque de ne pas croiser un marathonien, peu importe l'heure ou la température! Parce que la pluie n'a pas l'air d'effrayer personne ici.
Alors, tout-à-coup, me lancer à l'assaut du chrono me terrorisait! Surtout que merdouil... Cause d'épuisement, je ne peux que faire de la marche rapide pour quelques semaines. Question de refaire ma masse musculaire et énergiser ce beau corps là! LA HONTE!!!! Pis c'est sans compter mon espèce de T-Shirt lilas-criard qui date de la première mondiale... Pffff!
Et je suis supposée m'élancer légèrement avec enthousiasme?
Alors j'ai choisi des heures bâtardes où j'espérais passer inaperçue! Ben! Non! Toi chose! Parce que le retraité court! Ouaip! La blanche tête se fait aller! Ça a l'air d'avoir 78 ans et ça te double comme un flot de 20 ans! Et ils ne s'abstiennent pas de l'humiliant "lâchez pas!".
Alors ce matin, j'en ai eu ma claque et je suis partie! À l'heure de pointe des coureurs mesdames et messieurs! Rien de moins!
Bien! Bonne Nouvelle! Ils se sacrent complètement de moi! Pas de regards obliques ou d'impatients rictus quand ils te doubles, rien! Pas de tumbs up quand ils te croisent dans une côte! RIEN! Ils se sacrent complètement de mon chandail de grosse toutoune rose-lilas-sucé-longtemps-criard! Bon! Le gars de ce matin a accéléré, sans doute pour me montrer comme il a la cuisse musclé dans son short de Licra. Et j'ai même vu une belle madame avec un tout petit short court qui avait la cellulite qui shakait!
Alors retournons allègrement me promener le nerf sciatique dans la ville, ils en ont rien à foutre!!!
Et trêve de plaisanterie, faisant une balade en vélo, j'ai remarqué que la marche/course n'est plus seulement l'apanage du Dieu au corps parfait. Tout le monde court! La tête blanche, la ronde, l'ancien sportif. On voit de tout sur les pistes cyclables. C'est indéniable, il s'est passé quelque chose dans le monde de l'activité physique et c'est bon de constater que tous ont leur place.
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