Juste ce matin

Lorsque je fais mes actions de grâce, quand je m’arrête quelques instants pour remercier la vie de ce qu’elle m’apporte de bon (exercice que j’essaie de faire régulièrement), je la remercie de m’avoir fait naître à une époque où une femme de mon âge a le choix.
J’avais pas 8 ans que j’étais déjà certaine de 2 choses : Je voulais devenir enseignantes et je voulais des enfants. Le métier d’enseignante a fait des allers-retours selon les goûts du moment, mais les enfants sont toujours restés bien présents en moi. J’ai fait des choix de vie en conséquence. Mais souvent, je me disais : « Ça sert à quoi de faire des enfants et les faire éduquer par les autres. Et je ne répondais jamais à la question.
J’ai souvent eu le regard mi-moqueur des femmes de la génération de ma mère qui avaient l’air de me dire : « Tu vas tellement pas y arriver ma grande ! » Pourtant, ma mère n’a pas fait ce choix. J’ai pas connu mes parents longtemps ensemble, mais suffisamment pour voir que ma mère allait travailler quand même avec 2 enfants. Et je suis certaine qu’elle n’aurait pas été obligée. Elle le faisait par choix.
J’ai donc choisi de ne pas faire de choix. De ne pas choisir de rester à la maison avec des enfants ou choisir la carrière. Peut-être que si je n’avais pas d’enfants, j’aurais une maîtrise aujourd’hui et que je parcourrais monde. Ah ! Oui ! Peut-être ! Mais le travail d’enseignante me convenait tout à fait. J’ai zéro ambition dans la vie. Sauf celui d’être heureuse. Alors je prends les bouchées une à la fois.
Ma mère m’a toujours donné l’impression que je pouvais décider d’avoir les deux. Elle n’a jamais laissé insinuer que j’étais obligée de faire ce choix dichotomique. La vie s’est chargé du reste. Le reste, ce sont le CPE à 7$ au village, le congé de maternité acceptable, le papa formidable que mes filles ont.  
Ben oui ça implique que je suis crevée à la fin d’une journée et que je n’ai pas toute la patience du monde avec les devoirs des enfants. Ben oui ! Ça implique que je n’accompagne pas mes filles en sorties scolaires. Ben Oui ! Ça implique aussi que ma maison a l’air d’un moyen cirque ! Que la vaisselle sale du matin traîne encore lorsque je rentre le soir et que je dois la pousser un peu pour préparer mon repas du soir en catastrophe.
Ça implique que je n’ai pas assisté à tous les concerts de Noël et que j’ai trop souvent délégué le papa à la rentrée scolaire. Est-ce que ça me fait de la peine ? Oui ! Est-ce que je regrette de travailler ET d’être mère de famille ? Non ! Jamais. Parce que je considère que la femme que je suis et qu’elles aiment ne seraient pas celle-là si je restais à la maison.

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Mais il y a 3 ans, j’ai eu peur d’y laisser ma peau. On n’était pas à la relâche et je n’avais déjà plus de journées de maladie en banque. Et je ne les avais pas pris juste pour des rendez-vous chez le dentiste ou pour une petite fièvre. Non, je n’avais pas été aussi malade depuis ma méningite. Et pas un petit rhume ici et là ! Des gros trucs où tu ne te poses pas la question le matin « Est-ce que j’ai la force de faire un effort ? » Non ! Le truc où le médecin te regarde carré dans les yeux et qui te dit : « Tu restes couchée au moins 3-4 jours ». Le truc où ton patron te met presque de force dans TA propre voiture parce que tu refuses qu’il t’embarque dans la sienne pour te reconduire chez toi (Bien que trop humiliant !)après que des collègues t’aient pris ta classe de force. Bien oui ! Je suis têtue comme ça moi ! Pis je ne vous parle pas non plus des deux épidémies de gastro qu’on s’est tapé back-à-back en juin (la mère incluse) qui nous a mis en quarantaine pendant 3 semaines.
C’était juste pas possible. Les parents des élèves s’inquiétaient et avec raison. Alors j’ai décidé de m’offrir un petit répit. Une journée tous les deux semaines. Ça handicaperait pas trop le budget familial et j’allais pouvoir y caser tous les rendez-vous des filles pour m’éviter de mettre ça sur les maladies. Pis j’allais pouvoir faire des trucs que je n’aurais pas à faire pendant le week-end.
Dès la première année, j’ai vu une différence. Plus d’énergie, plus de patience. Et je pense que j’ai trouvé l’équilibre parfait.
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Ce matin, maman est en congé. Outre le fait que j’ai pu boire un 2e café chaud et que je me suis organisée pour ne pas faire de lunch, la liste des trucs à faire aujourd’hui est interminable ! Mes amies qui n’ont pas de congé la semaine me dire que c’est juste des affaires de mère normales à faire et que je suis chanceuse en mauzus de pouvoir les faire la semaine. Oui ! C’est vrai.
Mais ce matin, j’ai amené les filles à l’école. J’ai stationné la voiture un peu loin et j’ai marché le reste avec Romy. Je tenais sa petite main dans la mienne pendant qu’elle sautillait dans les feuilles. On s’est arrêté devant toutes les adresses pour regarder les chiffres qu’elle n’arrive pas à apprendre (mauzus, comment se fait-il qu’elle réussi avec moi et pas avec sa prof ?) J’ai pu réembrasser mes grandes qui étaient déjà dans la cour. J’ai pris 5 minutes pour chatouiller mon bébé à son casier pour qu’elle commence sa journée en riant.
Je suis restée avec les autres mamans devant l’école pour un dernier aurevoir. Juste ce matin, à ce moment précis, si on me donnait une baguette magique, je ferais peut-être un autre choix… 

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