De mes blanches mains...

Fin d’après-midi, je reçois un texto d’un ami à qui je donne malheureusement trop peu de nouvelles. Il me remercie de mes bons vœux de nouvelle année. Mais comme on ne se parle pas souvent, avant que les criquets se fassent entendre (mais oui, même le numérique est parfois victime de ces blancs malaisants…), il me demande ce que je fais de bon de ma journée…
Moi : Tu ne devineras jamais ! Je fais du pain !
Lui : (Bref criquet), du pain ? 2,59$ à l’épicerie sans farine sur les comptoirs et sur le plancher ?
Moi : (Long criquet) … C’est cool non de faire du pain ? Pis c’est pas SIIIIIIII salaud que ça quand même… Ça paraît que tu n’as pas d’enfants ! Et d’abord, ça fait longtemps que c’est pas toi qui fait l’épicerie… Ça fait longtemps que du pain, ça ne coûte pu 2,59$...
Lui : 2,59$, 4,59$… C’est un produit de base ! Je ne me pose pas de question et je paie… Je boirai moins de bière, c’est tout ! Pis quand il ne reste que les croûtes, je jette le sac pis j’en rachète d’autre ! Pas de farine, pas de merde à nettoyer !
Moi : Effectivement, vu de même… Mais ça m’a pris 10 minutes tout préparer… Le reste, c’est rien attendre que ça lève !
Lui : Pis tu as 3 enfants… Tu n’aimerais pas mieux utiliser ce temps-là pour autre chose ? C’est toi qui te plains tout le temps que le grand drame de ta vie c’est qu’il n’y a pas assez de temps dans une vie pour lire tout ce que tu aimerais lire, tout ce que tu aimerais voir comme film, entendre comme musique… Je viens de te faire gagner 10 minutes dans ta journée !
Moi : …dans ma semaine… J’ai pas besoin d’en faire tous les jours ! Dans l’air moderne, on a inventé un truc génial qui s’appelle un congélateur ! Pis on mange pas tant de pain que ça !
Lui : Bon ! Bonne journée ma parfaite petite ménagère ! Y’a du monde qui travaille pour payer vos vacances de prof !

* * *
Ça fait longtemps que je ne réagis plus à ses commentaires disgracieux sur le fait que je ne travaille jamais… Sauf que je guettais mon pain par la fenêtre du four micro-onde (bien oui, c’est parfait pour le faire lever) comme si j’avais peur qu’il se sauve… Je regardais mon plat plein de pâte collé dans l’évier… C’est pas fou… En 2016, je ne suis plus obligée de faire mon propre pain, de tricoter mes propres mitaines, même pas obligée de faire mes propres biscuits !
Désolée à toi de te donner le mauvais rôle dans mon histoire... Mais tu sais à quel point j'adore débouter les grincheux et les cyniques... 

* * *
Je guette attentivement mes deux pains qui cuisent sagement dans le four. J’essuie mes mains qui viennent de laver mon bol qui a servi à mélanger ma pâte. J’ose pas ouvrir la porte du four… Je le surveille avec une excitation inattendue…Je pourrais lire un livre, je pourrais regarder un film… Mais je suis assise sur un petit tabouret inconfortable à regarder la fenêtre d’un four… Pis, la minuterie sonne ! Oh ! Yes ! Je me lève d’un bon ! Les filles, obnubilées par leur écran, sont comme comme éjectées du divan ! « C’est prêt ? C’es-tu prêt ??? » Elles frétillent autour de moi ! « Est-ce qu’on peut mettre du beurre ? » « Tout le beurre que tu veux mon amour ! » « Papa ! C’est prêt !!! Viens ! »

J’ai jamais vu ça quand je rentre de l’épicerie et que j’ouvre le sac à pain ! ;-)

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