Vous savez l'armoire en coin? Celle dans laquelle on "pitch" tous les culs de poule et les plats en pyrex? Celle qu'on doit planifier et se préparer mentalement à ouvrir quand on a le projet de cuisiner?
Chaque fois, je l'ouvre délicatement, panneaux par panneaux avec le pied devant afin d'éviter que tout s'écroule sur le sol? Venez me dire que vous ne comprenez pas de quoi je parle.
Donc cette armoire là. C'était un mercredi soir. Pas un dimanche matin pour faire des crêpes après une excellente nuit de sommeil. Non, un soir de semaine avec les enfants qui se chamaillent après une journée de travail. J'ai ouvert le premier panneau: rien. J'ai placé ma jambe dans un angle stratégique: rien. Oh! Mais ma joie fût de courte durée. La pile de plats placés en pyramide inversée qui menace de tomber.
Jusque là, y'a rien de nouveau. Sans même réfléchir, je me suis penchée, j'ai sorti la pyramide précaire, je l'ai inversé, j'ai choisi mon plat, j'ai remis la pyramide et j'ai refermé la porte.
Ça ne sonne pas une cloche? Non?
C'est seulement une fois derrière mon poêle que...
Me pencher, ranger le bordel et me remettre à ce que je faisais. Je n'ai pas nié le dit bordel, je n'ai pas eu le réflexe de repousser la menace du pied pour ne pas avoir à tout ramasser. Parce que avoir à tout ramasser, ça aurait été au-dessus de mes forces. D'où le pied. D'où refermer la porte en coup de vent sans rien ranger et IDÉALEMENT garder le genou quelques secondes pour évider que le déséquilibre vient ouvrir les panneaux. Attendre que les plats arrêtent de se s'entrechoquer et éviter la catastrophe.
Mais là, j'ai eu l'envie mentale de me pencher et de remettre les plats en place...
J'ai assez d'expérience de vie pour savoir que ce seul événement n'est pas suffisant pour susciter le questionnement.
Je viens de trouver 2.5 minutes pour aller aux toilettes. J'essaie de piloter tout le monde, la porte entrouverte. J'écoute attentivement la 32e plainte, le regard posé sur le mur adjacent et je remarque des traces de doigts douteuses. En fait, je vous mentirais si je vous disais que je venais tout juste de les remarquer. Mais c'est comme la pile de vêtements sales que j'enjambe en entrant dans la salle bain. Elle est là et JAMAIS dans cent ans ne me viendrait à l'esprit de me pencher pour la ramasser. Au mieux, je pousse un soupire exaspéré en lançant le prénom de la propriétaire du premier morceau de linge sur le dessus. Mais je n'ai JAMAIS l'envie d'amorcer le geste de me pencher pour mettre fin au bordel.
Je suis donc assise et je vois les traces douteuses et je me demande si elles sont permanentes. Je sors de la salle de bain, je me penche sous l'évier et je cherche activement une bouteille avec un spray. Je me rends compte qu'elles sont toutes presque vides. J'en attrape une avec un liquide vert pomme et j'espère juste qu'il y en aura assez pour que le liquide gicle. J'attrape le rouleau d'essuie-tout. Et j'ai frotté. Puis ce fût le cadre du mur à la hauteur de la poignée. Et ce fût la petite trace de dentifrice que les filles n'ont jamais enlevé.
En moins de 5 minutes, j'ai frotté le lavabo, j'ai retiré toutes les traces noires/brunes louches et dépoussiéré toutes les encavures des portes de la maison.
M51 lève la tête et me dit "Tu n'es pas encore habillée?"
L'héritière apparaît dans mon rétroviseur, le visage ruisselant et le battage de bras désespéré. Je lui fais signe d'embarquer. Elle me montre ses mains nues et me pointe la porte de la maison laissée grande ouverte.
Je sors de la voiture en me demandant combien de temps ça prendra avant que quelqu'un n'appelle la police si je la laisse comme ça abandonné dans le ban de neige sans mitaine.
Elle ne trouve plus ses mitaines.
Je rentre et le bac à mitaine est renversé sur le tapis, laissant éparpillées des dizaines de mitaines gauches. Ouais... Ici, ce sont les mitaines droites qui se font la malle. On se ramasse avec colonie de mitaine droite que M51 s'obstine à vouloir garder au cas où "on retrouverait l'autre". Même chose pour l'élevage de chaussettes solitaires.
Bien je me suis penchée mesdames et messieurs! J'ai ramassé le fatras, remis dans le bac et retrouvé les deux mitaines qui s'étaient fait la malle. Bon! Je vous épargne les quatre autres bacs de foulards, tuques et autres cochonneries qui jonchaient le sol. Mais j'ai ramassé le bordel.
Mais je n'ai pas fait mon grand ménage du printemps depuis 3 ans. Et il m'arrivait de sauter des semaines dans l'entretient ordinaire.
Et je n'étais plus capable. Le ménage est l'aspect le plus extrême. Mais ça fait trois ans que je vis/vivais (ce texte est l'expression de mon espoir) dans un jell-o. J'aimerais bouger. Faire de l'exercice, reprendre mon quotidien en main, mais impossible. Ce fût une looooongue descente qui a atteint son plus bas niveau en janvier 2019 quand je suis tombée malade. J'ai cru que ma convalescence de 5 semaines allait me arranger les choses. Mais non.
Un "pas d'énergie" incroyable! PAS D'ÉNERGIE! ZÉRO! C'est se coucher brûler et se relever pire le lendemain. Perte de mémoire, petites crises de panique, vouloir dormir, mais n'y trouver aucune amélioration souhaitée. Me faire faire une demi-douzaine de bilan sanguin étant PERSUADÉE que ma maudite thyroïde déconne encore. Et vouloir pleurer sa vie quand le pharmacien m'annonce que mon médicament est parfaitement ajusté.
Devoir arrêter de voir ou parler à des amis que j'aime parce que c'est juste TROP. Me sentir terriblement coupable de ça.
C'est entendre et VOULOIR bouger (prendre des marches ou aller nager, tsé! des affaires ben extrêmes!)
Faire de la méditation et du yoga, y trouver un bien-être et une gestion du stress incroyable, mais AUCUNE amélioration sur l'énergie.
Penser que de me lancer dans un projet dont je rêve depuis 20 ans m'aiderait et toucher le fond. Avoir peur. Avoir peur que plus JAMAIS je ne me sentirais bien.
Me sentir coupable de mon obésité et être certaine que je suis la cause de mon malheur sans être capable de me remettre en action.
Je travaille, je m'occupe des enfants, je cuisine et je gère, mais rien d'autre.
Les heures une à une.
Dans le milieu traditionnel, on ne sait pas quoi me dire. Crise de milieu de vie? Contrecoup de la fin de la petite enfance? Théories toutes énoncées avec un sourire désolé?
Ce que je viens de vivre pendant 3 ans, ça n'a pas de nom, mais je ne suis pas la seule à le vivre. Beaucoup d'anecdotique dans le milieu alternatif, le seul qui prête l'oreille à ce qui pourrait être une simple lâcheté. Mais ces récits ont tous plus ou moins la même durée, les mêmes constats et rarement la même finalité.
Tous ont peut-être trouvé la cure miracle, mais au final, la plupart raconte que c'est beaucoup d'argent, beaucoup de temps pour le même résultat que de se dire "ça va passer". Je n'avais même pas l'énergie de chercher quelque chose qui m'aiderait.
Un jour, j'entends: "La méditation a ses bases scientifiques maintenant. Dans les cas légers à modéré, elle aurait le même effet que les antidépresseurs sur la durée." Petites recherches, 4$ pour une application, je juge que ce n'est pas une arnaque. Je me suis accrochée à ça avec l'énergie du désespoir.
J'enligne les jours de travail et un soir, j'ouvre l'armoire en coin de cuisine. Et je me penche pour ranger le bordel.
J'essaie de ne pas me réjouir trop vite. Parce que 1000 fois, j'ai eu l'espoir. Je marche sur une glace mince à la fin novembre. Je fais des pas mal assurés et je suis prête à retomber ou à ramper. Mais je respire enfin. J'arrive à nouveau à mener à terme de petits projets.
Chaque fois, je l'ouvre délicatement, panneaux par panneaux avec le pied devant afin d'éviter que tout s'écroule sur le sol? Venez me dire que vous ne comprenez pas de quoi je parle.
Donc cette armoire là. C'était un mercredi soir. Pas un dimanche matin pour faire des crêpes après une excellente nuit de sommeil. Non, un soir de semaine avec les enfants qui se chamaillent après une journée de travail. J'ai ouvert le premier panneau: rien. J'ai placé ma jambe dans un angle stratégique: rien. Oh! Mais ma joie fût de courte durée. La pile de plats placés en pyramide inversée qui menace de tomber.
Jusque là, y'a rien de nouveau. Sans même réfléchir, je me suis penchée, j'ai sorti la pyramide précaire, je l'ai inversé, j'ai choisi mon plat, j'ai remis la pyramide et j'ai refermé la porte.
Ça ne sonne pas une cloche? Non?
C'est seulement une fois derrière mon poêle que...
Me pencher, ranger le bordel et me remettre à ce que je faisais. Je n'ai pas nié le dit bordel, je n'ai pas eu le réflexe de repousser la menace du pied pour ne pas avoir à tout ramasser. Parce que avoir à tout ramasser, ça aurait été au-dessus de mes forces. D'où le pied. D'où refermer la porte en coup de vent sans rien ranger et IDÉALEMENT garder le genou quelques secondes pour évider que le déséquilibre vient ouvrir les panneaux. Attendre que les plats arrêtent de se s'entrechoquer et éviter la catastrophe.
Mais là, j'ai eu l'envie mentale de me pencher et de remettre les plats en place...
J'ai assez d'expérience de vie pour savoir que ce seul événement n'est pas suffisant pour susciter le questionnement.
***
7h05 le matin, ma maison a à peu près l'aspect d'un hall de gare. La porte d'entrée fait des allé-retour, le four micro-onde sonne, celui du grille-pain aussi. On ne sait plus trop lequel s'énerve.Je viens de trouver 2.5 minutes pour aller aux toilettes. J'essaie de piloter tout le monde, la porte entrouverte. J'écoute attentivement la 32e plainte, le regard posé sur le mur adjacent et je remarque des traces de doigts douteuses. En fait, je vous mentirais si je vous disais que je venais tout juste de les remarquer. Mais c'est comme la pile de vêtements sales que j'enjambe en entrant dans la salle bain. Elle est là et JAMAIS dans cent ans ne me viendrait à l'esprit de me pencher pour la ramasser. Au mieux, je pousse un soupire exaspéré en lançant le prénom de la propriétaire du premier morceau de linge sur le dessus. Mais je n'ai JAMAIS l'envie d'amorcer le geste de me pencher pour mettre fin au bordel.
Je suis donc assise et je vois les traces douteuses et je me demande si elles sont permanentes. Je sors de la salle de bain, je me penche sous l'évier et je cherche activement une bouteille avec un spray. Je me rends compte qu'elles sont toutes presque vides. J'en attrape une avec un liquide vert pomme et j'espère juste qu'il y en aura assez pour que le liquide gicle. J'attrape le rouleau d'essuie-tout. Et j'ai frotté. Puis ce fût le cadre du mur à la hauteur de la poignée. Et ce fût la petite trace de dentifrice que les filles n'ont jamais enlevé.
En moins de 5 minutes, j'ai frotté le lavabo, j'ai retiré toutes les traces noires/brunes louches et dépoussiéré toutes les encavures des portes de la maison.
M51 lève la tête et me dit "Tu n'es pas encore habillée?"
***
J'enfonce rageusement le klaxon. Au diable les voisins qui travaillent peut-être de nuit. Je ne suis pas de bonne humeur. J'avais 14 000 choses à faire au travail avant que les élèves arrivent et j'avais prévu quitter tôt. Mais notre plus jeune héritière a poussé fort sur le caprice et M51 aurait été en retard s'il avait voulu la laisser à l'école. J'ai donc dû changer mes plans et reconstruire ma journée mentalement en m'habillant.L'héritière apparaît dans mon rétroviseur, le visage ruisselant et le battage de bras désespéré. Je lui fais signe d'embarquer. Elle me montre ses mains nues et me pointe la porte de la maison laissée grande ouverte.
Je sors de la voiture en me demandant combien de temps ça prendra avant que quelqu'un n'appelle la police si je la laisse comme ça abandonné dans le ban de neige sans mitaine.
Elle ne trouve plus ses mitaines.
Je rentre et le bac à mitaine est renversé sur le tapis, laissant éparpillées des dizaines de mitaines gauches. Ouais... Ici, ce sont les mitaines droites qui se font la malle. On se ramasse avec colonie de mitaine droite que M51 s'obstine à vouloir garder au cas où "on retrouverait l'autre". Même chose pour l'élevage de chaussettes solitaires.
Bien je me suis penchée mesdames et messieurs! J'ai ramassé le fatras, remis dans le bac et retrouvé les deux mitaines qui s'étaient fait la malle. Bon! Je vous épargne les quatre autres bacs de foulards, tuques et autres cochonneries qui jonchaient le sol. Mais j'ai ramassé le bordel.
***
Bon! Là, je t'imagine me juger en disant: "Sa maison doit être une sou à cochon insalubre!" Bordelique un brin, mais non. Pas insalubre. Parce que quand on a de la visite, on lave! :-PMais je n'ai pas fait mon grand ménage du printemps depuis 3 ans. Et il m'arrivait de sauter des semaines dans l'entretient ordinaire.
Et je n'étais plus capable. Le ménage est l'aspect le plus extrême. Mais ça fait trois ans que je vis/vivais (ce texte est l'expression de mon espoir) dans un jell-o. J'aimerais bouger. Faire de l'exercice, reprendre mon quotidien en main, mais impossible. Ce fût une looooongue descente qui a atteint son plus bas niveau en janvier 2019 quand je suis tombée malade. J'ai cru que ma convalescence de 5 semaines allait me arranger les choses. Mais non.
Un "pas d'énergie" incroyable! PAS D'ÉNERGIE! ZÉRO! C'est se coucher brûler et se relever pire le lendemain. Perte de mémoire, petites crises de panique, vouloir dormir, mais n'y trouver aucune amélioration souhaitée. Me faire faire une demi-douzaine de bilan sanguin étant PERSUADÉE que ma maudite thyroïde déconne encore. Et vouloir pleurer sa vie quand le pharmacien m'annonce que mon médicament est parfaitement ajusté.
Devoir arrêter de voir ou parler à des amis que j'aime parce que c'est juste TROP. Me sentir terriblement coupable de ça.
C'est entendre et VOULOIR bouger (prendre des marches ou aller nager, tsé! des affaires ben extrêmes!)
Faire de la méditation et du yoga, y trouver un bien-être et une gestion du stress incroyable, mais AUCUNE amélioration sur l'énergie.
Penser que de me lancer dans un projet dont je rêve depuis 20 ans m'aiderait et toucher le fond. Avoir peur. Avoir peur que plus JAMAIS je ne me sentirais bien.
Me sentir coupable de mon obésité et être certaine que je suis la cause de mon malheur sans être capable de me remettre en action.
Je travaille, je m'occupe des enfants, je cuisine et je gère, mais rien d'autre.
***
Décembre arrive. Je suis fatiguée. Je ne veux même pas m'organiser un truc pour mon anniversaire. J'ai pas envie. Je fais des siestes tous les jours. Les vacances arrivent, mais je n'y crois plus. Je ne crois plus que les vacances vont changer les choses. Je veux juste rien. Les vacances se passent. Je prends les jours un par un.Les heures une à une.
***
Pas une dépression qu'on m'a dit. Pas un burnout, pas une maladie grave.Dans le milieu traditionnel, on ne sait pas quoi me dire. Crise de milieu de vie? Contrecoup de la fin de la petite enfance? Théories toutes énoncées avec un sourire désolé?
Ce que je viens de vivre pendant 3 ans, ça n'a pas de nom, mais je ne suis pas la seule à le vivre. Beaucoup d'anecdotique dans le milieu alternatif, le seul qui prête l'oreille à ce qui pourrait être une simple lâcheté. Mais ces récits ont tous plus ou moins la même durée, les mêmes constats et rarement la même finalité.
Tous ont peut-être trouvé la cure miracle, mais au final, la plupart raconte que c'est beaucoup d'argent, beaucoup de temps pour le même résultat que de se dire "ça va passer". Je n'avais même pas l'énergie de chercher quelque chose qui m'aiderait.
Un jour, j'entends: "La méditation a ses bases scientifiques maintenant. Dans les cas légers à modéré, elle aurait le même effet que les antidépresseurs sur la durée." Petites recherches, 4$ pour une application, je juge que ce n'est pas une arnaque. Je me suis accrochée à ça avec l'énergie du désespoir.
J'enligne les jours de travail et un soir, j'ouvre l'armoire en coin de cuisine. Et je me penche pour ranger le bordel.
J'essaie de ne pas me réjouir trop vite. Parce que 1000 fois, j'ai eu l'espoir. Je marche sur une glace mince à la fin novembre. Je fais des pas mal assurés et je suis prête à retomber ou à ramper. Mais je respire enfin. J'arrive à nouveau à mener à terme de petits projets.
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