Une histoire où je juge quand même un peu.

 C'est un fait divers du quotidien. Une histoire banale. Un truc que j'ai oublié comme on oublie si on a éteints le rond du poêle en sortant... 

Pis qui m'est revenu ce soir en regardant les nouvelles. 

Avant de commencer, tu dois savoir que je suis POUR la santé mentale. Je suis POUR comme je suis POUR les soins gratuits, comme je suis POUR les congés de maternité, comme je suis POUR le partage de la charge mentale. Aujourd'hui, tout ce qui est contreproductif mentalement, je le JUGE! Donc.

C'est mon anniversaire. On est confiné! Personne ne viendra manger chez moi, je n'en voudrai à personne de vouloir se reposer à la maison à la veille des fêtes. Et ça me rend légère. Je vais m'offrir du vrai champagne, des discussions à la lueur de l'écran. 

Je fais une file sibérienne au centre commercial pour une bouteille de bulle et un petit rouge. En sens inverse, d'un air curieux, il m'interroge du regard: "On se connaît ein?" Et moi, assez curieuse, je lui lance, les sourcils froncés "Peut-être ein?

Tellement de jours que ce sont tous les mêmes visages que l'on croise, que ça me paraissait exotique. Je scrollai mentalement l'ensemble de mon Facebook? Rien...

- 2008? 2007 peut-être? 

- L'école des écoliers? Ou des Rosiers? 

- Peut-être? Qu'est-ce que tu fais de bon?

- Toujours à la même place!

- Moi aussi. 

C'est le moment où le bout de mes souliers hurlaient: C'est bon! Dis-lui "Bon week-end" et fais mine que ton téléphone sonne! Mais lui ajouta:

- Qu'est-ce que tu fais de bon du temps des fêtes? 

On venait de se faire chauffer les oreilles par François... On venait d'apprendre que Noël passait à la trappe. 

- Coocooning familial, prendre soin de nous...


Et le silence... Qu'est-ce qu'il va me répondre si je lui retourne sa question un peu idiote en ce temps Covid? Gros Party chez ma belle-soeur à Québec? Il va m'apprendre quoi? Pas que je ne m'intéresse pas aux autres... Mais Tsé...

- Nous, on a réglé ça facilement cette année, on part 10 jours dans le Sud.... 

Il allait continuer quand il a dû voir ma face... 

- Mais Tsé! On a le droit tu sais..

J'ai serré les mâchoires. Toute mon incompréhension devait déborder de mon masque. Et lui, tel un patineur artistique, il tente de m'expliquer comment c'est "safe" de partir dans le Sud, qu'il va se faire tester en rentrant et comment il allait contourner la 40taine obligatoire au retour... Il se trouvait brillant d'y avoir pensé! Mais ce qui l'a coulé..

- C'est pour ma santé mentale... 

NON! non! NON! Non! nOn! noN! 

Tous ces mots sont restés dans ma tête, dans ma gorge! 

Je suis TRÈS emphatique à la santé mentale de TOUT LE MONDE! Du sans-abri qui ne trouve plus à manger, à la mère mono-parentale qui travail dans le milieu de la santé le soir de Noël, TOUT LE MONDE trouve ça difficile. 

Je connais une maman aimante qui travaille comme préposée au bénéficiaire à l'hôpital d'à côté qui a décidé de laisser ses 3 enfants chez leur papa TOUT LE TEMPS DES FÊTES  pour les protéger.  Et ta santé mentale ? Elle vaut plus que la sienne? 

Bien que je connaisse deux ou trois personnes qui ne sont pas trop pressés de recommencer à socialiser (pour vrai, je les comprends... Des gens qui seraient plus heureux dans un placard... ) TOUT LE MONDE EST AFFECTÉ et vie ou vivra des épisodes plus ou moins difficiles. Et ce n'est pas parce que tu n'es pas au front, ce n'est pas parce que tu ne vies pas de précarité économique, ce n'est pas parce que tu ne vis pas d'isolement extrême que ce n'est pas lourd à porter. L'impuissance, ça te bousille les neurones! Je le reconnais. 

Mais j'ai le regret de t'annoncer que tu as choisi la mauvaise solution. Et pas parce que je suis jalouse. J'ai le Covid doux et privilégié. Je ne te cacherai pas que j'haïs ma job en ce moment parce que tout ce que j'aime faire, tout le "gravy" est compliqué ou inexistant. J'aime ça pouvoir chuchoter dans l'oreille d'un enfant! Mais on dirait que tout ce qui faisait ma force m'est interdit! J'ai pris une petite fille dans mes bras parce qu'elle pleurait. Un genre de "sauvetage". J'en ai pas dormi pendant une semaine... J'ai appelé les parents pour m'excuser et j'ai rempli un rapport d'incident... Tsé. 

Et toi tu veux aller t'entasser dans un avion bondé, masqué (une maudite chance, tu n'es pas complotiste) pour ta santé mentale? Tu veux risquer de contaminer quelques mexicains qui n'ont pas d'assurance maladie? Tu veux risquer de l'attraper et de venir te faire soigner dans un hôpital ici? Prendre une place au soin intensif? Vraiment? 

J'ai un crisss de gros nombril. Mais le tient est olympique... C'est un nombril de compétition! 

À l'image de toi, courant le 10 mètres avec des shorts aux chevilles, j'ai préféré mettre fin à notre échange sans rien dire. Je t'ai juste dit "Bonne route!"...

En temps normal, j'aurais juste continué mon chemin. Mais je te rappel, si tu ne suivais plus comme moi, que je fais la file à la SAQ. Si je pars, je perds ma place. Mais tu n'as pas l'air de vouloir poursuivre le tien... j'ai comme l'impression que vas poursuivre ton argumentaire. Mais j'ai beau regarder mes pieds, compter silencieusement le nombre de personne devant moi, tu ajoutes quand même:

- C'est facile de juger... 

- Effectivement. 

J'ai eu envie de te raconter l'histoire que j'aime tant des manchots en antarctique. Celle où les manchots adultes forment un énorme cercle de chaleur et de protection autour des nouveaux-nés et des vieux ou des malades quand s'annonce la tempête. 

Pis j'ai pas eu envie de perde encore une seconde sur ton cas. Peu importe, tu partiras. 



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